À la recherche du réel perdu, de Alain Badiou
Titre : À la recherche du réel perdu | Éditions : Fayard (Collection Ouvertures).
ISBN : 9782213685977.
Un essai philosophique de Alain Badiou.
Alain Badiou le décrit bien au début de son livre : on invoque le réel le plus clair du temps comme on invoque une contrainte, ce qu’il est vain de chercher à dépasser, ce à quoi nous devons tous nous adapter. Chacun étant par ailleurs plus ou moins disposé à défendre ses intérêts, on devine que cette chose que le « réel » s’avère rapidement dotée d’une élasticité incroyable (quand elle n’est pas tout simplement mise en doute dans son existence même).
Dès lors, comment s’y prendre pour définir le réel ?
Badiou nous invite ici à un court – mais très riche – exercice de pensée qui ne s’éloigne jamais du concret accessible à tous. Pour répondre à cette éminente question (laquelle structure d’ailleurs l’essentiel du corpus platonicien), il tente d’articuler une anecdote (la mort de Molière) à une définition (celle de Lacan) ainsi qu’à un poème (« La mort de Gramsci » de Pasoloni). Pour hétéroclite qu’elle puisse paraître, cette démarche porte ses fruits; ce n’est effectivement pas un hasard si Badiou a sélectionné ces éléments, car ils participent du même projet : démontrer que le réel émerge d’une scission entre une formalisation et son point aveugle (son « point d’impossible », dans les mots du philosophe), soit ce qui échappe précisément à ladite mise en forme, mais dont elle dépend par ailleurs. L’auteur fait intervenir cette idée pour mieux cerner l’irréparable conflit qui module le monde moderne, à savoir celui du capitalisme mondialisé et de la démocratie. Tandis que l’un cultive les plus graves disproportions, l’autre commande l’égalité de tous envers tous. La démocratie serait l’impossible du capitalisme.
Pour clore son livre, Alain Badiou nous invite à renouer avec la « passion du réel » et tenter de rendre possible l’impossible de la forme capitalistique du monde, car elle n’est qu’une forme (délétère), précisément. Le réel duquel se revendique le philosophe ici est particulièrement opératoire, même s’il semble parfois sous-tendu par une axiologie que le livre aurait gagné à mettre en relief. Quoiqu’il en soit, il n’en perd pas pour autant sa force conceptuelle.
Une chronique de À la recherche du réel perdu proposée par David.