La liberté, c’est aussi la librairie

Tania de Montaigne est une auteure française travaillant dans le milieu des médias et du cinéma. Jeune, elle découvre qu’elle est « noire », une étiquette que l’extérieur lui colle. Cette découverte, de même qu’une réflexion sur l’appropriation culturelle, constitue le propos de son livre L’assignation. Les noirs n’existent pas, publié en 2018 chez Grasset. Trois ans auparavant, elle avait publié chez le même éditeur un livre tout aussi important : Noire. La vie méconnue de Claudette Colvin.

Ce dernier livre constitue la première biographie en français de Claudette Colvin, trop souvent ignorée dans les livres d’histoire. C’est elle qui, avant Rosa Parks, a osé la première ne pas obtempérer aux indications du chauffeur d’autobus dans le Sud ségrégué des États-Unis d’Amérique au milieu des années 1950. De sa décision suivront d’autres cas analogues, dont celui mieux connu mais postérieur de Rosa Parks, qui feront route à travers les méandres des tribunaux jusqu’à la décision de la Cour suprême des États-Unis mettant fin à la ségrégation dans les transports.

Le livre, admirablement écrit, se lit comme un roman. Non seulement vous permettra-t-il de connaître cette héroïne véritable mais aussi de comprendre comment un illustre inconnu jusqu’alors, Martin Luther King Jr., devient le personnage historique que l’on sait. D’ailleurs, ce livre de Tania de Montaigne vous révélera un aspect souvent méconnu de l’histoire afro-américaine, à tout le moins concernant le boycott des transports publics organisés à Montgomery (Alabama) pendant un peu plus d’un an. Cet aspect révélateur est que le mouvement d’organisation du boycott fut d’abord le fait de femmes. C’était aussi des femmes qui avaient refusé de céder leurs places, 5 autres femmes entre la décision initiale de Claudette Colvin et celle, décisive, de Rosa Parks, avaient aussi refusé de se plier aux diktats ségrégationnistes.

Lire la biographie de Claudette Colvin, c’est donc aussi lire l’opposition duelle entre les représentations historiées des hommes et des femmes, où le caractère machiste des hommes est souvent mis de l’avant afin de compenser les phénomènes d’aliénation socioéconomiques propres aux populations marginalisées. Ainsi donc, ce petit livre révèle plusieurs aspects de la réalité sociale des NoirEs américainEs des années 1950.

Assurément un excellent livre à lire, pour rétablir la vérité historique, et pour mieux saisir les dynamiques particulières des luttes anti-ségrégationnistes dans les villes du Sud étatsunien, et singulièrement ce boycott aux dimensions historiques qui donnera un air d’aller puissant aux différents mouvements des droits civiques.

Bonne lecture

Joël