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« Le Colonialisme au Québec » par André d’Allemagne

En attendant le prochain épisode

Dans son dynamisme naturel, le monde humain produit des formes politiques par lesquelles s’opèrent des divisions sociales : entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent, entre les gouvernants et les gouvernés, entre les groupes dominants et les groupes ascendants, etc. Dans le même ordre d’idées, le colonialisme « n’est pas un phénomène nouveau, mais la forme actuelle d’un phénomène vieux comme le monde, vieux comme les peuples : celui de la domination d’une société par une autrei. » Proposant une sorte de tableau raisonné sur le phénomène colonial, le livre d’André d’Allemagne donne à lire le mécanisme des rouages du colonialisme : « Le régime imposé se présente donc en façade, comme relativement démocratique, à tout le moins libéral, et accepté de la population. Pour ce faire, le régime a besoin de la collaboration active d’une élite colonisée qu’il fabrique ou qu’il puise dans les élites traditionnelles. Enfin, le régime colonial se donne un air respectable, voire ‘’généreux’’, en reconnaissant certains ‘’droits’’ et en octroyant certains ‘’bienfaits’’ matériels au peuple dominéii. »

À regarder de plus près l’histoire du Québec, la « nuit coloniale sans étoilesiii » dont parle André d’Allemagne trouve son foyer originel dans la Conquête, à partir de laquelle « s’effectua, et de façon définitive, la dépossession du peuple canadien-français : la puissance économique, financière, commerçante et industrielle passaient aux mains du conquérantiv ». D’une manière tout aussi mortifère, la Confédération a réduit le peuple canadien-français à l’état de survivance : « En fait, il s’agissait de le priver de tout pouvoir réel, tout en lui octroyant la fiction d’une participation à un ensemble où il serait noyé. […] la Confédération, qui marque le passage de la phase impérialiste à la phase colonialiste dans l’histoire du peuple canadien-français. Le British North America Act […] refusait le pouvoir politique aux Canadiens français et tissait un réseau complexe d’institutions dont il leur était encore plus difficile de se libérer que d’une simple occupation militairev. »

Si l’auteur fait le tour des points d’ancrage du colonialisme (les domaines politique, économique et culturel), il soutient que les pratiques coloniales exercent principalement leurs ravages sur l’esprit du colonisé. En effet, aux yeux de l’essayiste, « le colonialisme au Québec […] est essentiellement un phénomène psychologique, une maladie du colonisé à qui l’histoire a fait oublier que son sort dépend de lui-mêmevi. » Sans établir l’inventaire achevé des traits de la ‘’personnalité’’ du colonisé canadien-français, André d’Allemagne montre que celui-ci est en proie à de profonds conflits intérieurs, s’aliène en s’identifiant aux préoccupations du colonisateur, se déprécie soi-même et les autres, se referme en lui-même, etc.

André d’Allemagne possède un sens aigu de la formule et explique d’une manière particulièrement claire et puissante les procédés d’acculturation. En plus de ses qualités pédagogiques et stylistiques, Le Colonialisme au Québec possède un certain caractère performatif dans la mesure où son contenu s’avère engageant et se veut force agissante. On ne peut pas attribuer une fonction compensatrice à l’assemblage d’idées que propose l’auteur. À la maladie du colonisé identifiée par André d’Allemagne correspond un remède, un contrepoison : « Ce qu’il faut au Québec, c’est une authentique révolution. En ce sens, il ne s’agit pas de réformer les structures et les institutions traditionnelles de l’intérieur, en conservant l’esprit, mais au contraire de les supprimer pour les remplacer par d’autres qui d’ailleurs restent partiellement à définirvii. » La révolution à venir, le prochain épisode (André d’Allemagne fait évidemment référence au célèbre roman d’Hubert Aquin), ne se réalisera pas sans une libération économique et politique : « La révolution québécoise doit se construite sur deux grands pôles : la libération politique qui par l’indépendance fera que les décisions ne dépendront plus de l’étranger, et la libération économique et sociale qui mettra les ressources du pays à la disposition de la population du paysviii. »

Alexandre Laliberté

i André d’Allemagne, Le colonialisme au Québec, Montréal, Lux, 2009, p. 11.

ii Ibid., p. 13.

iii Ibid., p. 101.

iv Ibid., p. 19.

v Ibid., p. 21.

vi Ibid., p. 127.

vii Ibid., p. 175.

viii Ibid., p. 176.

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Un commentaire

  • Jacques Fortin

    7 octobre 20199 h 26 min

    Le Bloc Québecois, une définition:

    Balance Légitime Occupation Colonialiste