Il était une fois un sous-majordome
9782896942329
Le sous-majordome | Éditions Alto
« Il avait toujours trouvé du réconfort dans la mélancolie, comme s’il participait à son tour à une tradition lourde de sens. »
Alors qu’il est à l’agonie, Lucien Minor reçoit une nuit la visite d’un étranger à l’allure inquiétante. Après les salutations d’usage, l’inconnu lui demande ce qu’il espèrerait qu’il lui arrive s’il devait se lever de son lit de mort : « Qu’il se passe quelque chose », répondra-t-il simplement. L’entretien se solde au matin par le décès foudroyant du père pourtant bien portant et la guérison miraculeuse du fils – sorte de pacte avec le diable grâce auquel Lucien, surnommé Lucy, pourra trouver l’aventure en acceptant le poste de sous-majordome pour le baron d’Aux.
Mais l’emploi n’a rien de la somptuosité à laquelle il s’attendait. Son village d’adoption, village fantôme flanqué d’un château aux allures de manoir hanté, semble un lieu où les personnages typiques du conte, vidés de leur substance par trop de relectures et de réécritures, seraient venus eux aussi attendre que quelque chose se passe. En ce sens, l’arrivée de Lucy agit comme un catalyseur qui réveillerait la totalité de la population endormie, quoique tous les villageois, par leur extravagance, gardent le comportement des figures troubles d’un univers onirique. Le tout paraît nébuleux, mystérieux, troublant, et le lecteur se baigne dans ce flou en n’ayant d’autre choix que d’accueillir l’invraisemblable à bras ouverts.
C’est ainsi qu’il se laisse volontiers guider par Patrick DeWitt, grand maître des cérémonies, à travers un récit morcelé par des digressions hors du fil narratif principal, où le passé des personnages surgit brièvement pour éclairer ou brouiller le présent. L’existence de la plupart d’entre eux suit toutefois un même dessein : celui de l’amour véritable, dans ce qu’il a de plus tortueux. Avec DeWitt, toutefois, pas de morale, et si Le sous-majordome est une fable – totalement divertissante –, c’est celle de l’amoureux qui découvre les extrémités où il est prêt à arriver pour sa belle.
Anne-Marie Bilodeau