Super-héros : une histoire politique de William Blanc
Divertissement et critique sociale : le super-héros dans la loupe de l’historien
Grâce au cinéma, l’ubiquité des super-héros est désormais assurée. Pendant des décennies, ils ont été relégués à des publications bon marché, les fameux comics books, et étaient l’apanage d’une légion de fans spécialisés. Les super-héros se trouvent de nos jours sous l’égide d’entreprises colossales pour actualiser leurs aventures sur grand écran à coups d’effets spéciaux étourdissants. Il peut paraître étonnant pour le néophyte de découvrir que Superman a vu le jour il y a un peu plus de 80 ans, en 1938.
Avec son ouvrage Super-héros : une histoire politique, le médiéviste William Blanc nous invite à découvrir l’histoire de ces personnages surhumains, véritable mythologie du XXe siècle. Sa grille de lecture suit les grands courants sociaux et politiques qui traversent l’histoire des États-Unis, pays par excellence des super-héros, durant cette période. Pourquoi un médiéviste s’intéresse-t-il à ce sujet pourtant si contemporain? En tant qu’historien, William Blanc étudie tout particulièrement la culture populaire et, plus spécifiquement, les représentations médiévales et leurs symboliques dans notre monde actuel.
À maints égards, le super-héros est calqué, du moins dans ses fondements, sur l’idéal du personnage chevaleresque. Ainsi, l’auteur nous rappelle notamment que Superman défend ardemment et sans faillir la veuve et l’orphelin; que Batman, que l’on nomme le Chevalier noir, vit ses premières aventures dans des décors qui évoquent les châteaux. Quant au Capitaine America, dont la première apparition sous la plume du grand maître Jack Kirby date de 1942, il est l’image même du chevalier : son costume est fait de mailles et il porte l’écu classique des croisés.
Chaque chapitre de ce livre explore un thème central et y accole la figure d’un super-héros représentatif en observant son évolution à travers la ligne du temps. Wonder Woman, la princesse amazone, est la représentation du combat féministe (son créateur, William Moulton Marston était un féministe activiste); pure création de Stan Lee et de Jack Kirby, Black Panther naît lors de la lutte pour les droits civiques à la fin des années 1960 (les deux auteurs étaient juifs et, comme beaucoup de leurs congénères américains, affichaient de la sympathie pour les combats des Afro-Américains). En bref, William Blanc explique de manière simple, mais magistrale, à quel point la production culturelle mettant en scène les super-héros, y compris dans ses plus récentes manifestations cinématographiques, est ancrée dans l’actualité politique et sociale de son temps. Dans certains cas, l’œuvre épouse les valeurs de son lectorat, exprimant ainsi au grand jour les angoisses et désirs des différentes générations qui ont été touchées par cette mythologie.
Le support iconographique est l’une des grandes forces de cet ouvrage. L’auteur appuie judicieusement son propos à l’aide de nombreuses illustrations de couvertures et de planches, de photos et d’images de films. Reprises dans leur ensemble en photo couleur au centre du livre, elles offrent un panorama visuel sur l’évolution graphique du genre.
À la lecture de ce livre, il n’est guère surprenant de constater la résilience de cette mythologie. Tout au long de leur histoire, les super-héros sont remis au goût du jour, génération après génération, par une panoplie d’artistes talentueux. Ces derniers utilisent le medium pour exprimer des thèmes qui leur sont chers, allant parfois jusqu’à se poser en critique du genre (Howard le Canard, The Ultimates, Watchmen, pour ne nommer que ceux-là). Étant donné l’évolution constante que connaissent les aspects graphiques et thématiques de l’univers des super-héros, on peut penser que ceux-ci ont encore de multiples vies à venir…
Jérôme Vermette
Un commentaire
CostumeLooks
16 août 201920 h 40 min
a une simple expression puerile, celle d’un combat binaire entre le bien et le mal. Ce n’est pas le pari que fait William Blanc, historien medieviste specialise dans les cultures populaires, bien decide a tracer les jalons d’une histoire politique des super-heros.