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Calfboy de Rémi Farnos

9782897770433
Farnos, Remi – Calfboy | La Pastèque

Western et 9ème art : une leçon de Rémi Farnos à travers Calfboy

couvertureChris et son frère Burt ont réussi un braquage de train, un projet qu’ils ont mis des mois à préparer. Les deux desperados auraient bien de quoi se réjouir si ce n’était que Chris a égaré le butin lors d’une soirée bien arrosée. En effet, ce dernier a décidé, sur un coup de tête sûrement, de l’enterrer… Or, il ne se rappelle plus du tout à quel endroit! Qu’à cela ne tienne : son frère lui donne trois jours pour retrouver le matos. Les péripéties de Chris à travers un Far West digne des images panoramiques de John Ford (j’y reviens un peu plus loin) ne font pourtant que commencer : il fera la rencontre d’un jeune garçon qui décide de l’engager pour se débarrasser d’un hors-la-loi du nom de Sam Montonay. Voleurs de chevaux, indiens et fusillades font partie des clichés du western que Rémi Farnos va explorer avec humour au cours de cette aventure.

Que l’amateur de western ne s’attende pas à y trouver la dureté des récits de frontières et les anti-héros charismatiques qui ont fait la renommée du genre. Rémi Farnos met en scène des personnages qu’il ne fait pratiquement qu’esquisser d’un coup de crayon. Il porte cependant une attention toute particulière à ses dialogues, toujours très drôles, et ses décors. Ces derniers sont semblables aux décors typiques du western qui sont représentés sur les cartes postales: le désert de Monument Valley, les canyons, forêts et rivières abondent et les personnages n’y sont que de minuscules entités dans cette nature hors du commun. C’est l’un des traits de génie de Farnos : évoquer la majesté de ces paysages avec un dessin aux apparences pourtant simplistes (qui rappellent un peu les illustrations d’un certain Lewis Trondheim).

Si le livre de Rémi Farnos se situe à mi-chemin entre le film True Grit des Frères Cohen (un cow-boy est engagé pour aider un enfant dans sa vengeance) et l’univers déluré de Lucky Luke, tout l’intérêt de cette bande dessinée réside dans sa lecture structuraliste. En effet, Calfboy est une bande dessinée sur la bande dessinée. Farnos y exploite avec une grande inventivité le célèbre gaufrier de douze cases, ce type de planche si classique des premiers temps du 9ème art. En y insérant régulièrement un décor qui dépasse les lignes des cases, tel un casse-tête, et en y faisant circuler ses personnages d’une case à l’autre, il fait exploser les limites de l’image. Il maîtrise aussi parfaitement le déroulement du temps : entre les planches où les personnages voyagent (quelques cases suffisent à montrer une journée complète) et d’autres plus intimistes où, à l’inverse, la durée s’allonge considérablement (l’auteur utilise trois planches constituées chacune de 12 cases dans lesquelles se déroule un dialogue : voir la scène où le jeune garçon raconte son histoire aux deux frères). Farnos nous convie définitivement à une démonstration des possibilités narratives du 9ème art.

Après le génial Vogue la Valise publié en début d’année, La Pastèque réussit un autre bon coup avec la publication de ce Calfboy de Rémi Farnos. Un moment de pur divertissement! Ce western s’avère également une belle tentative d’expérimentation narrative qui ne gâche absolument en rien le plaisir de l’évasion.

Jérôme Vermette

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