Michel Bernanos et La Montagne morte de la vie
9791091504461
La Montagne morte de la vie | L’arbre vengeur
LA MONTAGNE MORTE DE LA VIE
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Méconnaissant le père, on ne peut que méconnaître le fils. Pourtant, Michel Bernanos n’est pas ce que l’on pourrait appeler un auteur ordinaire et La Montagne morte de la vie possède le sublime de son titre. Ce texte nous apparaît d’emblée comme un apex lointain dans les brumes de la littérature française ; Juan Asensio, en préfacier avisé, hasarde des filiations avec Poe ou Coleridge, mais se fait insistant sur l’inédit du roman de Bernanos. Si le style seul ne nous permet pas d’avancer une telle thèse, la terrifiante radicalité du monde créé par l’écrivain interdit d’en douter.
Après la traversée cataclysmique d’une mer indéterminée, un mousse de dix-huit ans et Toine, le cuisinier du bateau désormais en pièces, échouent au pied d’une terre que sacrent des massifs rougeoyants. Le sable, rouge lui aussi et fin comme de la poudre, signale un biome totalement inconnu, où le végétal côtoie le minéral à la façon d’un fervent son idole. Désorienté, démuni, le duo se détermine à s’enfoncer dans l’abondance verte pour rejoindre les montagnes, dans l’espoir d’y retrouver un environnement plus familier. Dans la succession des jours, le déplacement se ponctue d’inquiétantes découvertes : des plantes carnivores à la sève de sang, une bouche de sable mangeuse d’homme, le bruit lourd d’une respiration sous-terraine et surtout des sculptures anthropomorphes dignes d’un démiurge. L’environnement se place sous l’égide d’une alliance désespérée, soulevée en creux dans les propos de Toine à son jeune ami : « On aurait dû apporter avec nous de quoi faire du feu. Dans un endroit pareil, on ne trouvera jamais du bois sec. Tout est vert à en mourir. »
Dans ce roman qui donne son titre à un cycle de textes fantastiques, Michel Bernanos semble avoir été porté par un désir de dévoilement radical. Dans son univers, pour être sinistre, la fraternité unissant les deux hommes paraît pourtant résister. Que signifie cette fraternité ? N’est-elle qu’un faux dédommagement, un doucereux mensonge ? Ou une possible rédemption dans la souffrance partagée ? On lira et relira La Montagne morte de la vie pour tenter d’y éclairer la nôtre.
David Labrecque