Les femmes musiciennes sont dangereuses
d’Annie Coste (Éditions Flammarion, 2023)
Une chronique de Serge Durand
Un livre soigné. Un livre qui remédie à l’oubli de femmes remarquables. L’écriture d’Annie Coste, précise et documentée, nous informe de façon cohérente du propos poursuivi : « Mettre en lumière celles qui demeurent encore de nos jours sous-représentées, à savoir les créatrices instrumentistes (compositrices, autrices, improvisatrices) ».
Dès l’introduction, la ligne éditoriale est claire :
« Dès les premières lueurs de l’Antiquité, le casting patriarcal a distribué les rôles : aux hommes le pouvoir et les jouissances, aux femmes le soin d’y contribuer par tous les moyens possibles. Rien de plus. ».
Ces premières pages sont essentielles à la compréhension des 7 chapitres et du portrait des 62 musiciennes qui sont pour la plupart inconnues d’un large public et ignorées par les médias non spécialisés. Cette introduction qualifie avec éloquence la discrimination systémique vécue par ces femmes : « Sois muse et tais-toi – Mauvais genre – Le poids des stéréotypes – Un monde d’hommes … »
Une première qualité de cet ouvrage est de nous faire découvrir, de l’Antiquité au 20e siècle, ces musiciennes qui ont fait et font encore la différence et contribué à l’évolution des musiques savantes et populaires. Quand je fais la synthèse de toutes leurs réalisations recensées par l’autrice, je réalise que c’est une onde de choc puissante pour la lutte féministe et une oeuvre d’éducation obligatoire pour toutes et tous.
Ne vous y trompez pas ! Chaque histoire de ces musiciennes a sa part d’horreur et de blessures qui vous feront rager. Le thème récurrent pourrait être résumé trop brièvement ainsi: les mille et une façons des hommes d’éliminer ces concurrentes potentielles.
Ce livre se lit lentement, déposé près de soi, au chevet de la grande ignorance de notre époque opaque. Selon vos connaissances musicales, du plus connu à l’inconnu, vous devrez y consacrer du temps pour découvrir la richesse musicale de ces musiciennes. Après tout, il n’y a pas que les influenceuses-influenceurs dans la vie. Un peu de sueur est toujours de bon aloi !
Ce livre doit être écouté. Tous les mots et toutes les photos de ces musiciennes doivent être suivis par l’écoute de leurs oeuvres. Une liste d’écoute est proposée à la fin du livre. Point de départ pour les aventurières et aventuriers de la libération.
Ce discours féministe contribue à enrichir mes choix et mon écoute des oeuvres de femmes du 21e siècle, qui à l’image de l’héroïsme de ces pionnières, poursuivent militantisme et originalité créative : Rhiannon Giddens, Meshell Ndegeocello et la plus dangereuse d’entre toutes : Ani DiFranco.
Ce livre est une référence encyclopédique. Il parle haut et fort de liberté et du pouvoir de la création. Le mot de la fin appartient à Toni Morrison, écrivaine afro-américaine de renom :
« C’est ça l’esclavage. Quelque part au fond de toi, il y a cette personne libre dont je te parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien dans le monde. » – extrait du livre Home
Serge Durand
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